Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/156

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que même des hommes riches et puissants, les maîtres des pauvres diables dont je viens de parler, consentaient à vivre au milieu de spectacles, de bruits et d’odeurs tels qu’il est dans la nature humaine d’en avoir horreur et de les fuir, afin de soutenir par leurs richesses cette suprême extravagance. En fait, la communauté tout entière était prise dans la gueule de ce monstre dévorant, « la production à bon marché », où l’avait jetée le marché mondial.

— Hélas ! dis-je. Mais qu’arriva-t-il ? Leur habileté et leur facilité à produire ne sont-elles pas venues à bout de ce chaos misérable, à la fin ? N’ont-ils pu gagner de vitesse ce marché mondial, puis, résolument, se mettre à chercher les moyens de se soulager de cette effroyable charge de travail superflu ?

Il sourit amèrement.

— L’ont-ils seulement essayé ? Je n’en suis pas sûr. Vous connaissez le vieux dicton : l’insecte s’habitue à vivre dans le fumier ; et que le fumier leur parût doux ou non, il est certain que ces gens y vivaient.

Sa façon de juger la vie du dix-neuvième siècle me suffoqua un peu, et je dis faiblement :

— Mais l’économie de travail due aux machines ?

— Eh ! fit-il. Qu’est-ce que vous dites-là ? L’économie de travail due aux machines ? Oui, elles étaient faites « pour économiser le travail » (ou, pour parler plus clairement, des vies d’hommes) sur tel ouvrage, afin de pouvoir le