Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/186

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réclamant) de l’argent pour acheter de quoi manger ; et un peu de bon cœur, un peu par crainte, les gens aisés leur donnèrent beaucoup. Les autorités des paroisses également (je n’ai pas le temps d’expliquer cette expression pour le moment) donnèrent, bon gré, malgré, tout ce qu’elles purent de provisions aux vagabonds ; et le gouvernement, au moyen de ses maigres ateliers nationaux, nourrit aussi un bon nombre d’affamés. En outre, plusieurs boulangeries et d’autres magasins de provisions avaient été vidés sans trop de résistance. Jusque là, ça allait bien. Mais le lundi, le Comité de Salut public, craignant d’une part le pillage général et désordonné, enhardi d’autre part par la conduite incertaine des autorités, envoya une députation munie de voitures et de tout ce qu’il fallait pour vider complètement deux ou trois grands magasins de comestibles dans le centre de la ville, laissant aux gérants des papiers par lesquels on promettait d’en payer le prix ; et dans la partie de la ville où ils étaient les plus forts, ils prirent possession de plusieurs boulangeries et y firent travailler des hommes au profit du peuple ; et tout cela fut fait sans opposition, ou presque : la police aidait, en maintenant l’ordre, au sac des magasins, comme elle eût fait pour un grand incendie.

Ce dernier coup inquiéta tellement les réactionnaires, qu’ils résolurent de contraindre le gouvernement à l’action. Le lendemain, tous les journaux soufflèrent sur la fureur des gens terrifiés, menacèrent le peuple, le gouverne-