Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/219

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est devenu une partie nécessaire du travail de tout producteur.

— Comment ! est-ce que les hommes avaient le temps et l’occasion de cultiver les beaux-arts au milieu de la lutte désespérée pour la vie et la liberté, que vous m’avez racontée.

— Il ne faut pas croire que la nouvelle forme d’art fut basée principalement sur le souvenir de l’art du passé ; bien que, chose curieuse, la guerre civile eût été beaucoup moins destructive des choses d’art que des autres, et bien que ce qui existait d’art sous les formes anciennes revécut merveilleusement pendant la dernière partie de la lutte, surtout en ce qui concerne la musique et la poésie. L’art du travail joyeux, comme on devrait l’appeler et dont je parle maintenant, jaillit presque spontanément, semble-t-il, comme d’une sorte d’instinct, parmi les hommes qui n’étaient plus contraints au douloureux et terrible surtravail ; cet instinct les portait à faire leur travail le mieux qu’ils pouvaient — à le faire parfait dans son genre : au bout de peu de temps, un désir de beauté parut s’éveiller dans les esprits des hommes, ils se mirent à ornementer gauchement et grossièrement les objets qu’ils fabriquaient ; une fois qu’ils eurent commencé, ce travail ne tarda pas à se développer. Tout ceci fut grandement facilité par la suppression de la malpropreté dont nos ancêtres immédiats s’accommodaient si aisément ; et par la vie de campagne, pleine de loisirs, mais non stupide, qui alors commença (comme je vous