Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/295

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rassés de savoir que faire lorsqu’ils s’aperçurent que le sentiment d’opposition à la vie mécanique, né déjà avant le Grand Changement parmi des gens qui avaient le temps de réfléchir à de tels sujets, insensiblement se répandait ; tant qu’enfin, sous le masque d’un plaisir qui n’était pas censé être du travail, du travail qui fut un plaisir commença à se substituer au labeur mécanique ; on avait espéré, autrefois, tout au plus réduire celui-ci à d’étroites limites, mais jamais s’en débarrasser ; et, en outre, on trouva que l’on ne pouvait pas le limiter, comme on l’avait espéré.

— Quand cette nouvelle révolution fut-elle dans son plein ? demandai-je.

— Dans le demi-siècle qui suivit le Grand Changement, dit Morsom, elle commença à se faire sentir ; on abandonna tout doucement machine après machine, sous prétexte que les machines ne pouvaient produire des œuvres d’art, et que les œuvres d’art étaient de plus en plus demandées. Regardez, voici quelques ouvrages du temps, — grossiers et inhabiles comme métier, mais solides et montrant quelque sentiment de plaisir dans la fabrication.

— Ils sont très curieux, dis-je en prenant une poterie parmi les spécimens que l’antiquaire nous montrait ; pas du tout comme un travail de sauvages ou de barbares, et pourtant avec la marque de ce qu’on eût autrefois appelé une haine de la civilisation.

— Oui, dit Morsom, il ne faut pas y chercher de délicatesse : à cette époque, on n’aurait pu