Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/328

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droite, et à travers les branches d’aubépine et les longues pousses des églantiers, je pus voir la plaine s’étendre au loin sous le soleil du soir calme, jusqu’à une douce ligne bleue, où quelque chose comme des collines semblait servir de pâturages de moutons. Devant moi les bouquets d’ormes cachaient la plupart des habitations humaines qu’il y avait de ce côté de la rivière ; mais, à droite de la route de voitures, quelques constructions grises des plus simples se montraient çà et là.

Je restai là dans une disposition rêveuse, et je me frottais les yeux comme lorsqu’on n’est pas bien éveillé, et je m’attendais presque à voir cette société de beaux hommes et de belles femmes aux gais costumes se changer en deux ou trois hommes à jambes de fuseau, tout courbés, et en femmes hagardes, aux yeux creux, déjetées, telles qu’autrefois elles foulaient le sol de ce pays de leurs lourds pas désespérés, tous les jours, par toutes saisons, chaque année. Pourtant il ne se produisit aucun changement, et mon cœur se gonfla de joie en pensant à tous les jolis villages gris, depuis le fleuve jusqu’à la plaine et de la plaine aux collines, que je pouvais si bien me représenter, tous peuplés maintenant de ces gens heureux et aimables, qui avaient rejeté la richesse et atteint la prospérité.