Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/334

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Elle se leva et dit :

— Venez, je ne veux pas vous laisser repartir si vite dans un rêve. S’il faut que nous vous perdions, je veux que vous voyez d’abord tout ce que vous pourrez avant de vous en aller.

— Me perdre ? M’en aller ? Est-ce que je ne dois pas partir avec vous vers le nord ? Que voulez-vous dire ?

Elle eut un sourire un peu triste et dit :

— Pas encore ; n’en parlons pas encore. Seulement, à quoi pensiez-vous à l’instant ?

Je dis avec hésitation :

— J’étais en train de penser : Le passé, le présent ? n’aurait-elle pas dû dire le contraste du présent et de l’avenir, du désespoir morne et de l’espérance ?

— Je le savais, dit-elle. Et elle me prit la main et ajouta avec animation : Venez, pendant qu’il en est temps encore ! Venez !

Et elle me fit sortir de la chambre ; tandis que nous descendions et sortions de la maison dans le jardin par une petite porte de côté où aboutissait un curieux couloir, elle me dit d’une voix calme, comme pour me faire oublier sa subite nervosité :

— Venez ! nous devrions rejoindre les autres avant qu’ils viennent ici nous chercher. Et, permettez-moi de vous le dire, mon ami, je vois que vous êtes trop disposé à vous laisser aller à une rêverie contemplative, certainement parce que vous n’êtes pas encore habitué à notre vie de repos dans l’activité, de travail qui est un plaisir et de plaisir qui est du travail.