Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sible, elle n’est pas non plus nécessaire. Ne me comprenez pas mal. Vous n’avez pas paru choqué lorsque je vous ai dit qu’il n’y avait pas de cours de justice pour renforcer des contrats de sentiment ou de passion : mais les hommes sont si bizarrement faits, que vous serez peut-être choqué si je vous dis qu’il n’y a pas, pour remplacer ces cours, de code d’opinion publique, qui pourrait être aussi tyrannique et irraisonnable que ces cours elles-même. Je ne dis pas que les gens ne jugent pas la conduite de leurs voisins, quelquefois, sans doute, injustement. Mais je dis qu’il n’y a pas d’invariable ensemble conventionnel de règles d’après lequel les gens sont jugés ; aucun lit de Procuste pour y étendre et tourmenter leurs esprits et leurs vies, aucune excommunication hypocrite que les gens sont forcés de prononcer, soit par habitude irréfléchie, soit sous la menace inexprimée du petit interdit, s’ils sont mous dans leur hypocrisie. Êtes-vous choqué maintenant ?

— N-non… non, dis-je avec quelque hésitation. Tout est si différent.

— En tout cas, il y a une chose dont je crois pouvoir répondre : tout sentiment, quel qu’il soit, est vrai… et général ; il n’est pas réservé à des gens très particulièrement raffinés. Je suis également assez sûr, comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, qu’il n’y pas de beaucoup autant de souffrances liées à ces causes, soit pour les hommes, soit pour les femmes, qu’il y en avait autrefois. Mais excusez-moi d’être si prolixe sur ce sujet ! Vous savez que vous m’avez