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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

Ils se postèrent en groupe serré, comme des raisins en grappe près de notre cuisine en plein vent. « Joe Chibougamau », qui les connaissait, tint le rôle de maître des cérémonies. Il leur distribua du tabac et des aliments, qu’ils acceptèrent sans manifester aucun sentiment et sans remercier. Non pas qu’ils voulussent être impolis ; il était naturel pour eux d’accepter des présents, et de rester impassibles.

Un Indien de petite taille, qui avait l’air d’un nain au ventre ballonné, me fit tellement penser à « monsieur Punch », (le polichinelle anglais), que je ne pouvais détacher les yeux de sa curieuse personne. « Joe Chibougamau » m’expliqua qu’il s’agissait d’un tuberculeux avancé, presque mourant. Je le crus d’autant plus facilement que le malheureux, à un certain moment, s’appuya à un arbre, car il était trop faible pour se tenir debout.

Nous avions souvent discuté de la possibilité de sauter en canot les rapides plongeant du lac Chibougamau dans le lac aux Dorés. Les eaux écumantes, qui passent en bouillonnant devant mon chalet, font une chute de 12 pieds de long d’un parcours d’environ 500 pieds ; c’est un plongeon formidable. De plus le courant se heurte partout à des cailloux à demi submergés. J’ai, personnellement, une expérience du canot bien supérieure à la moyenne et je ne prévoyais que désastre à tenter une folie pareille.

« Joe Chibougamau » demanda au chef indien : « Canot peut sauter rapides ? » l’homme rouge regarda longtemps les eaux hurlantes, marcha jusqu’à la tête du torrent, examina attentivement le courant, revint au pied des chutes et l’examina dans l’autre sens. Il revint enfin à l’endroit où nous nous tenions et dit simplement : « Non. »

(Quelques jours plus tard, un homme de la brousse passa par chez moi. Il était ivre et déclara qu’il sauterait les rapides si je consentais à lui prêter mon canot. Je