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Page:Wilson - L'appel du Chibougamau, 1956.djvu/58

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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

« Nous avions apporté une grande quantité de bœuf gelé, de porc, d’agneau et diverses autres provisions, car nous projetions des recherches longues et étendues. Nous transportions aussi de la dynamite, une forge, une drille pour l’acier, des ciseaux à froid, des pics, des pelles et des pioches, ainsi qu’un laboratoire complet pour analyser nos échantillons. Tout cela constituait un équipement énorme, mais nous l’installâmes au complet sur l’île au Portage avant le dégel du printemps.

« La débâcle du Chibougamau, ça n’est pas précisément gai. Se sentir naufragé sur une île durant plus d’un mois, n’est pas une situation que l’on recommanderait à un neurasthénique ou à un monsieur sujet à la panique. La glace a fondu à moitié seulement : elle ne tolère même pas le poids d’un chien, pas plus qu’elle ne permet à un canot de naviguer. Les jours se traînent, sombres, il neige, il pleut, il bruine, il tombe des giboulées. La neige, dans la brousse, est trop saturée d’eau pour qu’on puisse y circuler en raquettes, et trop profonde pour nos bottes. C’est à la fois déprimant et exaspérant.

« Dès que le sol dégela, nous creusâmes un puits de quarante pieds près de la pointe au Cuivre.

« Tôt en mai, après avoir pesé nos provisions, nous constatâmes qu’il nous en restait à peine suffisamment pour l’été et qu’il faudrait compléter notre menu avec le poisson des lacs, histoire de ne pas crever de faim.

« Comme nous manquions aussi de vivres pour nos chiens, nous décidâmes de les renvoyer à Saint-Félicien, mais un dégel inattendu survint : la glace s’amincit très vite et il fut impossible de traverser les pauvres bêtes jusqu’à la terre ferme. Nous savions qu’en les gardant, elles ne pourraient que mourir lentement de faim. Sur l’île Merrill, nous creusons donc un grand trou, nous attachons les quadrupèdes à des piquets pour en disposer.