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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

piste indienne. N’ayant que des chevaux pour nous aider, il faut l’hiver entier pour terminer la tâche.

« De nos jours, des « bulldozers » accompliraient la même besogne en quelques semaines. À un certain moment le foin vint à manquer et nous fûmes obligés de tuer sept chevaux, que les guides indiens mangèrent avec une extrême satisfaction. Je me souviens qu’en parlant de monture, l’un de nos charretiers abattit un orignal et en accrocha la moitié de la carcasse à un arbre. Durant la nuit, elle glisse jusqu’au sol. Au matin, nous la trouvons en partie rongée. Je parsème ces débris d’un peu de cyanure de potassium, (partie des ingrédients chimiques de mon laboratoire) et à l’aube suivante, s’étalent tout raides, autour de cette viande empoisonnée cinq grands loups gris, deux renards argentés et un noir… Le charretier eût une prime de dix dollars pour chaque loup (l’un d’eux pesait plus de cent livres), 200 $ pour chaque renard argenté et 125 $. pour le noir. Ce total dépassait de beaucoup son salaire de l’hiver entier, (qui était à cette époque de quarante dollars par mois).

Napoléon disait « qu’une armée marche sur son ventre »… On peut en dire autant du régiment d’élite que forment les prospecteurs.

« Pendant l’été, nous eûmes un excellent cuisinier à l’île du Portage et nous avons vécu comme des empereurs romains, mangeant plats rares et savoureux tels que castor rôti, biftecks de venaison, truite sur le gril, etc. Le Chef retranché derrière une tôle protectrice fixée dans le foyer du camp, faisait lentement cuire viandes et poissons à la broche. Le castor bien apprêté est un mets vraiment royal ; sa queue, très tendre et sa cervelle tiennent une place d’honneur dans le menu des grands gastronomes. Nous attendions toujours avec impatience la saison des bleuets, non pas précisément pour en manger, mais pour tuer au fusil,