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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

gamau » et l’autre, son partenaire, « Albert Chibougamau ».

Le vrai nom de Joe est Joseph Mann ; son partenaire, de son côté, quand il signe un document légal, inscrit : « Albert Gravel ».

Joe et Albert Gravel portent des barbes remarquables, des chevelures d’anciens coureurs des bois et sacrent comme des charretiers. Au lieu de chapeaux, ils s’entourent le chef de foulards aux couleurs vives. Tout ce qui leur manque pour compléter le tableau, ce sont des anneaux aux oreilles. Ils sont gais, insouciants, rieurs et farceurs. Ils travaillent comme des nègres, nus jusqu’à la ceinture, sous le soleil ou sous la pluie, maniant leurs outils comme des déchaînés.

Tandis qu’ils aiguisent leurs haches, ils examinent un espace de la forêt à éclaircir pour la foreuse et, poussant un cri strident, se ruent dessus, taillant à droite et à gauche. En un rien de temps, les arbres sont abattus, émondés, la foreuse installée et son diamant mord dans le roc.

Je regarde Joe s’occuper du moteur de la foreuse, et j’aime entendre vibrer la machine, quoique je déteste toute chose mécanique. Cette singulière contradiction provient simplement du fait que cette foreuse m’appartient et que j’espère qu’elle m’apportera les richesses nécessaires pour satisfaire mes goûts comme bibliophile et collectionneur de choses rares. (J’ai connu un exploiteur de pétrole du Texas dont l’odorat était si délicat, qu’il portait toujours un mouchoir lourdement parfumé ; cependant, lorsque par ses soins un puits d’huile à la senteur fétide jaillissait du sol, il s’exclamait : « C’est le meilleur parfum au monde ! ».

Nous creusons le premier trou à un angle de 50 degrés, direction sud-est, sur la rive du lac Chibougamau, à quelques centaines de pieds au-dessus des rapides. Les mèches