Le gouverneur des Straits Settlements est sir Lawrence Guillemard ; son palais est dans la banlieue de Singapour. Les Chinois sont les magnats de la presqu’île de Malacca. Il faut voir leurs résidences princières et les parcs qui les entourent, les terrasses, les fleurs, les avenues artistement dessinées, les arbres taillés avec élégance. Leurs femmes, décorées comme des chapelles, se baladent en autos, en landaus de luxe. Qu’ils sont loin de leurs compatriotes des chinatowns d’Amérique !
18 février — Nous partons pour la Birmanie par le détroit de Malacca. À 4 heures p.m., le joli vapeur Ekma, commandant Amos, fait entendre sa sirène aux échos des palmeraies de Singapour et lève ses amarres. Au passage, le Melchior Treub nous salue d’un cri strident et prolongé. Il retourne dans l’île heureuse, après avoir fait escale à Delawan-Deli, dans l’île de Sumatra.
Notre bateau, un cinq mille tonneaux, est anglais, ce qui veut dire propre, bien tenu, et à bord duquel tout se passe in good order. Les Anglais sont les meilleurs navigateurs du monde ; c’est grâce à cette qualité qu’ils ont conquis des domaines et contrôlent des ports dans toutes les parties du globe. Insulaires, ils affectionnent particulièrement les îles qu’un loustic a définies : des étendues de terre entourées d’Anglais. Hong-Kong, Singapour, Pénang, Diding, Bornéo, sont des îles. Malacca est une presqu’île, aussi les Anglais l’ont presque ; cela viendra avec le temps.
La péninsule de Malacca se divise en trois groupes : la colonie des Straits Settlements qui comprend Penang, la province de Wellesberg, les Didings, Malacca et Singapour ; les états malais confédérés, savoir : Pérak, Selangor, Négri Sembilan, Pahang ; et les autres états non confédérés, Kélantan, Treinggame, Johore, Perlis. Le premier groupe est la propriété incontestée de l’Angleterre ; les deux autres sont protégés, administrés et avisés par elle : ce qui, pour l’Anglais, équivaut à peu près à