Page:Wilson - Voyage autour du monde, 1923.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conduit est peuplée de mendiants et d’éclopés qui implorent la charité. Près du mur d’enceinte, attaché à un poteau, arrosé d’eau froide et grelottant, un petit chevreau attend l’arrivée du sacrificateur qui lui tranchera le cou, tout à l’heure. Lorsque le sang jaillira, les fidèles s’en barbouilleront la figure et prononceront des invocations ; le corps sera offert à la déesse, puis mangé par les prêtres.

8 mars — Nous passons la journée dans les bazars, à examiner les marchandises indigènes et faire quelques emplettes.

9 mars — Chandernagor est une petite possession française, située à vingt-cinq milles de Calcutta, sur la rivière Hougly. La superficie de son territoire n’est que de neuf cent quarante hectares. Environ cent cinquante familles européennes l’habitent. Nous sommes reçus par un vénérable prêtre français, à longue barbe blanche et vêtu de blanc. L’église, fondée en 1599 par les Portugais et détruite au 17ème siècle par les conquérants mogols, les descendants de Tamerlan, fut reconstruite au dernier siècle. On y conserve, comme une relique précieuse, une pièce de bois provenant du premier vaisseau portugais qui toucha ce rivage. Dans un parc, le buste de Dupleix qui, au dix-septième siècle, conquit à la France une partie considérable des Indes. Il en reste bien peu, aujourd’hui. Cette chère France n’a pas su garder cette colonie, grande comme un empire. Au retour, nous nous arrêtons dans la petite ville de Sérampore pour visiter un temple à Siva ; c’est là que nous voyons le premier lingam, symbole phallique du dieu.

Nous descendons les escaliers du ghat où les fidèles vont se purifier avant d’entrer au temple. Du côté opposé, un juggernaut, voiture-chapelle à plusieurs étages, assise sur une vingtaine de roues de bois, énormes, est à côté de la route. Ce char porte la divinité au jour des grandes fêtes où il y a procession ; les fanatiques se jettent sous ses roues pour être broyés à mort, afin d’aller plus tôt au séjour des bienheureux.