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AMÉRIQUE — MONTRÉAL — HONOLULU

fait résonner les échos de tous les ponts et chacun, à qui mieux mieux, s’installe à table, au petit bonheur, comme après un déménagement.

En réalité, nous sommes déjà en Orient, puisque chaque navire porte en lui-même sa nationalité et qu’à trois milles de la côte, nous serons en territoire japonais, mais en territoire flottant, jusqu’à ce que le navire ait touché la patrie nipponne. Nous serons à Yokohama, fin octobre ou aux premiers jours de novembre, pourvu que l’étoile des mers et les vents nous soient propices.

Les côtes sont escarpées : des massifs de roc dont les flots battent rageusement les flancs ; ils les couvrent de leur écume blanche et se brisent au recul sur les récifs surmontés de phares qui projettent leur brillante clarté sur l’immensité. La zone périlleuse est franchie ; notre pilote nous quitte et descend par une échelle de corde à bord d’une barque qui saute comme une coquille sur la crête des vagues. Des passagers s’alarment ; lui, prend la chose bien froidement : c’est son métier.

Le vent souffle du nord et les flots battent à tribord. Nous constatons que notre bateau est sensible au roulis causé par les courants contraires et capricieux que l’on rencontre sur ces côtes. Au large, la mer est dans son état normal et l’on prédit qu’elle sera calme comme l’huile pendant toute la traversée.

Le Shinyo Maru a cinq cent soixante-quinze pieds de longueur, soixante-quatre de largeur et quarante de la cale au premier pont. Il est de belle tenue, mais il n’est pas neuf. Il fait présentement son quarante-cinquième voyage de dix-huit jours sur le Pacifique. Il est chauffé à l’huile et au charbon combinés, et file quinze à seize nœuds.

Les goélands au bec rouge nous accompagnent par centaines, les uns gris, les autres blancs comme des cygnes. Ils poussent de petits cris joyeux, quand on leur jette quelque chose à manger, et frôlent les bastingages, presque à portée de la main. Ils nous suivront ainsi deux ou trois jours sans relâche. Fatigués, ils se couchent sur la vague,