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ASIE — JAPON — YOKOHAMA — TOKIO

ne cessent d’affluer à ce panthéon, de déposer des fleurs et de brûler des bâtons d’encens.

Outre le tombeau du prince, de son épouse, de leur enfant et des quarante-sept chevaliers, deux autres pierres tombales sont aussi marquées, comme les autres, du signe harikari ; l’une indique le tombeau d’un vagabond qui avait insulté, un jour, l’un des Ronins sans savoir qui il était. L’ayant reconnu, lors de sa condamnation, il vint s’ouvrir le ventre à ses côtés, en expiation de sa faute et après lui avoir demandé pardon. L’autre tombe est celle de la fille d’un des samouraïs, grande prêtresse de Kwannon, qui sollicita de l’empereur l’insigne faveur de reposer près de son père.

Un peuple, qui produit de tels hommes, doit être capable des plus grandes choses. Rome, Athènes et toute l’antiquité ne nous ont transmis rien de plus déterminé et de plus hautement tragique.

5 novembre — Visite au temple d’Asakusa ; même monde, mêmes prières, mêmes dieux fantastiques qu’aux autres temples.

Dans la soirée, nous assistons à une représentation au théâtre impérial, le plus grand et le plus beau d’ici, aussi vaste, aussi luxueux que le His Majesty’s à Montréal. L’orchestre de deux instruments à trois cordes, le shamisen, accompagne trois chanteurs qui font plus de mimique que de musique. Le mode de direction du chef d’orchestre est pour le moins original ; il consiste en éjaculations sourdes émises de la gorge, et qui rappellent les éructations d’un estomac trop chargé. Ils sont sur la scène, je veux dire les musiciens, ou dans les coulisses en haut. On entend aussi du tamtam, le taîko, le tsudsumi et, dans les moments tragiques, le trémolo et la sourdine de nos orchestres sont reproduits par le claquebois qui tape sur le plancher. Si le motif est triste, le chanteur pleure à chaudes larmes. Les changements de costumes se font sur la scène et les appariteurs couvrent leur visage d’un voile noir ; cela signifie qu’ils n’ont rien à faire avec la représentation, qu’ils ne sont pas acteurs et qu’on ne doit pas les voir.