Aller au contenu

Page:Witkowski, Nass - Le nu au théâtre depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, 1909.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
le xviie siècle

Mais aucune ne souleva tant d’intérêt curieux, que l’énigmatique Mlle de Maupin, de son nom de fille Mlle d’Aubigny.

On ne connaît guère aujourd’hui cette chevalière qu’à travers l’admirable roman de Théophile Gautier, un des purs joyaux de notre littérature. L’auteur des Émaux et Camées était copieusement documenté sur son héroïne, mais à l’époque où parut son chef-d’œuvre, le romancier ne songeait pas, comme aujourd’hui, à tirer éclat et vanité de son érudition. La célèbre préface de Mlle de Maupin est muette à ce sujet, si bien que le pervers personnage de Théodore semble sorti, de pied en cap, orné de toutes ses passions, de l’imagination romantique de Gautier. En réalité, il n’en est rien ; la Maupin appartient à l’histoire, — et quelle histoire ! La plus extraordinaire, la plus étourdissante, la plus imprévue, la plus grande et la plus petite,… comme disait Mme de Sévigné.


Fig. 39. — Mlle d’Aubigny ? D’après une peinture de l’époque.

Artiste remarquable, aventurière hors de pair, rien n’a manqué à cette femme qui, à travers des crises de toute nature, a connu tous les vices et pas mal de vertus, et qui, somme toute, a vécu plusieurs vies dans une courte existence de trente-quatre ans.

Mariée presque enfant, elle s’offre de nombreux amants dont une tête couronnée, entre dans la galanterie, et embarquée pour Lesbies s’en prend indifféremment à l’un et à l’autre sexe, « ici rêvant l’amour à la manière de Sapho, le faisant ailleurs à la manière d’Aspasie ». Hermaphrodite de tempérament, son charme est délicieux et tous les papillons qu’attire sa grâce inquiétante s’y brûlent les ailes. Folle d’une jeune pensionnaire, elle veut l’enlever du couvent, met le feu à l’établissement, se sauve, est jugée par contumace et échappe au bûcher. D’une force remarquable à l’escrime, elle provoque, sous les habits masculins qu’elle aime à revêtir, les gens qui ne lui reviennent pas et sort toujours victorieuse de ses duels.