Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/11

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dans l’état actuel de la Science, comme représentant des lambeaux du chaos primitif. Si l’on admet les données de l’analyse spectrale sur l’état gazeux de ces corps singuliers et la simplicité de leur composition, on est amené à n’y voir que le résidu de la matière primitive après que la condensation en soleils et en planètes en a extrait la majeure partie des éléments simples que nous trouvons si nombreux dans la composition chimique de ces derniers astres. J’ai eu le plaisir de voir cette opinion, que j’émettais en juillet 1884 dans le premier article paru dans le Bulletin astronomique, adoptée par M. Faye dans la deuxième édition de son Livre.

Cette distinction établie et la nature complexe du chaos bien admise, la théorie thermodynamique nous enseigne comment d’une matière primitivement froide ont pu naître les soleils embrasés. Mais en même temps apparaît la plus sérieuse de toutes les difficultés que l’on puisse opposer à l’hypothèse nébulaire. Les calculs de M. Helmholtz et de Sir W. Thomson limitent à dix-huit millions d’années, trente millions tout au plus, la provision de chaleur que la condensation de la matière primitive dans le Soleil a pu y accumuler. La Terre ne peut donc exister que depuis un nombre d’années moindre. Or les géologues exigent des centaines de millions d’années pour la formation des couches qui composent notre globe. Il y a donc contradiction entre le chronomètre des astronomes et celui des géologues, et cette contradiction, il faut l’avouer, est impossible à écarter aujourd’hui. On aura beau, avec M. Faye, faire naître la Terre avant le Soleil : les quelques millions d’années que l’on gagnera ainsi ne satisferont pas l’avidité du géologue, puisqu’on ne pourra lui en donner plus de trente, quand il en veut des centaines. Nous nous trouvons là en face d’une de ces difficultés comme il s’en est plusieurs fois rencontré dans l’histoire des Sciences, et dont la solution ne peut être espérée que du progrès futur de nos connaissances.

Nous sommes donc obligés de la laisser actuellement de côté, et, poursuivant l’examen de l’hypothèse nébulaire, nous venons nous heurter à d’autres objections. Kant a fait naître les planètes dans le sein de la nébuleuse solaire par la condensation fortuite de la