Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/246

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bien le droit, ce me semble, sans faire preuve de mauvais vouloir, d’admettre que le mode très usité de rendre raison des propriétés de la nature, en invoquant leur utilité, n’a point ici toute la valeur désirable. Il était certainement, au point de vue de l’utilité, fort indifférent que les orbites des planètes fussent exactement circulaires ou légèrement excentriques : qu’elles coïncidassent toutes avec le plan auquel elles se rapportent ou qu’elles s’en écartassent un peu ; bien plus, s’il avait été nécessaire qu’il y eût une limite à ces écarts, le mieux eût été qu’elles fussent en complet accord les unes avec les autres. Si ce mot d’un philosophe est vrai, que Dieu fait partout de la géométrie, si cette vérité éclate partout dans l’action des lois naturelles générales, certainement cette règle aurait dû marquer son empreinte dans les œuvres immédiates du Verbe tout-puissant, et ces œuvres devraient manifester en elles toute la perfection d’une précision géométrique. Les comètes appartiennent à ces défaillances de la nature. On ne peut nier que, au point de vue de la forme de leurs orbites et des transformations qui en résultent dans leurs apparences, elles ne doivent être considérées comme des membres imparfaits de la Création, qui ne peuvent servir ni à constituer un lieu d’habitation commode pour des êtres raisonnables, ni à contribuer au bien général du système, en fournissant, comme on l’a supposé, un aliment au Soleil. Car il est certain que la plupart d’entre elles n’atteindraient ce but que par la destruction de l’édifice planétaire tout entier. Dans la théorie d’un Univers immédiatement réglé par Dieu, en dehors de tout développement progressif suivant les lois générales de la nature, une telle remarque serait choquante quel qu’en soit le bien-fondé. Mais dans le mode d’explication mécanique, de pareilles défaillances n’offensent en rien ni la beauté de la nature ni la manifestation de la Toute-Puissance. La nature, par cela même qu’elle comprend dans son sein toutes les variétés possibles d’êtres, étend son empire sur toutes les espèces depuis la perfection jusqu’au néant, et les défaillances même sont la marque de la profusion inépuisable de son contenu.

Il est à croire que les analogies que je viens de citer auraient assez de pouvoir sur le préjugé pour rendre digne d’attention la théorie de l’origine mécanique de l’Univers, s’il n’existait pas des raisons solides, tirées de la nature même des choses, qui semblent