Page:Wylm - L'Amant de la momie, paru dans Le Matin, 24-10-1912 au 06-12-1912.djvu/103

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me ferai-je comprendre ? à une… non ce n’est pas une chose, c’est une personne aussi, mais cette personne… Bizarre ! J’ai l’impression tout ensemble d’une morte et d’une vivante. Là, ce que je vois est trouble et confus. Prenez garde, une fatalité pèse sur vous… l’eau vous sera néfaste ou bénéfique… je ne puis définir au juste. Prenez garde à l’eau. Oui, un grand voyage qui pourrait être suivi d’un voyage plus long encore…

Le devin s’interrompit brusquement, et la voix changée :

— Mademoiselle, dit-il, je ne puis rien ajouter à mes paroles. Je crains de ne pas vous avoir satisfaite.

Mlle Roberty leva sur son interlocuteur ses grands yeux noirs pleins d’intelligence et de feu.

— Je sens que vous n’avez pas la possibilité d’en dire davantage, monsieur, fit-elle, et je devine confusément pourquoi. Je commence à croire au destin ; il nous mène et nous devons le subir. Je prévois, d’après vos réticences, que le mien sera court.

— Précisément, mademoiselle, je l’ignore, et voilà ce qui me trouble. D’un côté, je vous vois vivant longuement et heureusement auprès de… celui qui occupe votre esprit ; de l’autre, je… Enfin rappelez-vous ceci : un grand voyage, une traversée de plusieurs jours… ce n’est pas la mer que je redoute, c’est l’eau… l’eau perverse sous son calme apparent. Si vous traversez ce danger et en sortez victorieuse, le bonheur complet viendra ensuite.

Magda prit congé, et rentra chez son père toute soucieuse. Le point d’interrogation qu’elle avait sans cesse devant les yeux, personne, décidément n’y pourrait répondre. L’avenir n’est point un livre ouvert dans lequel il soit permis de lire à volonté. Parfois peut-être une page se détache de l’ombre, quelques lignes apparaissent, suffisantes pour nous angoisser, puis le livre se referme. Il faut attendre… il faut attendre…

Et pour Magda l’heure n’était point encore venue.