Page:Wylm - L'Amant de la momie, paru dans Le Matin, 24-10-1912 au 06-12-1912.djvu/136

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formes qui t’épouvanteraient, si tu les voyais sans y être préparé.

Songe que ce monde est justement celui des formes ; il est le réservoir de celles qui sont passées, comme de celles qui sont présentes et de celles qui sont encore à venir. Mais les unes se trouvent à l’orient, les autres à l’occident, près du noir Amenti. Et cependant elles sont toutes au même endroit puisque la distance et l’heure n’existent pas ici, comme dans le monde de la matière.

Je puis écarter de ton regard ce qu’il est encore trop faible pour contempler : un jour viendra où tu devras cependant voir, connaître et dompter ces formes, car elles gardent le seuil du sanctuaire où il est écrit que tu dois pénétrer. C’est celui de la science, Ameni, de la science qui doit nous réunir pour que nos destins s’achèvent.

— Quels sont ces destins, ma bien-aimée ?

— Je ne les connais pas exactement, ami, car l’avenir ne m’est pas complètement accessible. Je puis savoir ce qui adviendra quand l’événement futur est déjà déterminé dans les choses, à la manière du lotus dont la fleur et la tige à venir sont encloses dans la graine. Mais j’ignore les choses dont la semence n’existe pas encore.

» Ma science est imparfaite, je veux pourtant que tu la partages avec moi, car tu dois me dépasser. Tu seras le bâton solide sur lequel s’appuiera mon bras. »

L’Égyptienne entraîna Rogers vers le corps endormi ; elle écouta le rythme ralenti de sa respiration, les mouvements accélérés de son cœur. Puis elle mit la main sur la poitrine de son compagnon.

— Ton cœur bat avec force, et la cadence de ses palpitations est rapide comme celle du vol des oiseaux. L’amour ancien revient vers toi, après l’oubli de l’Amenti sombre. Moi ! je ne t’ai jamais oublié, et mon âme te sera éternellement fidèle.

Elle éleva ses mains aux doigts minces vers le visage de Rogers, l’attira vers sa bouche et le baisa au front.

— L’heure de nous aimer librement n’est