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V


L’AMITIÉ DE FRÉDÉRIC NIETZSCHE ET DE
RICHARD WAGNER[1]



« S’entretenant un jour avec un de ses disciples des nouvelles tendances de la littérature : « Je ne comprends pas, lui dit mon frère, la manie qui pousse les romanciers à prendre toujours pour unique sujet de leurs récits l’amour, un thème devenu si ennuyeux à force d’avoir servi ! » — « Mais, répondit le jeune homme, n’est-ce point parce que l’amour est la seule passion qui donne lieu à tant de conflits, et aussi tragiques ? » — Sur quoi mon frère de s’écrier, avec une vivacité toute particulière : « Quelle erreur ! L’amitié, par exemple, produit dans les âmes les mêmes conflits, et à un degré infiniment plus haut. C’est d’abord l’attrait réciproque, fondé sur l’impression d’une communauté de pensées, puis le bonheur de se sentir

  1. Das Leben Friedrich Nietzsche’s, par Mme  Elisabeth Fœrster-Nielzsche. Tome II, 1re  partie ; Leipzig,1897.