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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/123

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M. STÉPHANE MALLARMÉ

lement j’ai pu tenter l’analyse. Il ne s’est point arrêté cependant à ces formes qu’il avait créées. Logicien, il a poursuivi ses recherches ; et artiste, il les a constamment tournées au progrès de son art. Ainsi il a entrevu une œuvre nouvelle, non publiée encore, ni, je crois, achevée. J’en voudrais indiquer brièvement les traits essentiels ; certains traits du moins, issus directement des vertus que j’ai notées chez M. Mallarmé.

« L’œuvre la plus haute de la nature, dit quelque part M. Séailles, ce sont les religions et les métaphysiques : son dernier effort, c’est l’effort pour composer dans l’esprit de l’homme un vaste poème idéal… Et l’esprit est le prophète de la nature : en lui elle agite le pressentiment de ses mondes futurs. » Ces mots résument l’histoire philosophique de M. Mallarmé.

Il avait senti que la source suprême des émotions était pour lui la recherche de la vérité ; et que le monde était une réalité de fiction, vivant dans l’àme du poète, contemplée, créée par ses yeux. Il a voulu ensuite analyser cette vision : et, pour le considérer plus joyeusement, il a créé un monde plus subtil. Alors il a découvert que les parties de son rêve étaient liées impérieusement : chacune étant l’image profonde du reste. L’idée de la monadologie s’est offerte à lui, dans l’apparat de son ornementation esthétique. Tout est symbole, toute molécule est grosse des univers : toute image est le microcosme de la nature entière. Le jeu des nuages dit au poète les révolutions des atomes, les contlits des sociétés, et le choc des passions. Ne