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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/133

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M. STÉPHANE MALLARMÉ

Par lui s’insinue au poète l’idée d’une couche nuptiale. Il aperçoit que nul lit n’est, sous cette dentelle ; elle lui paraît un blasphème, ainsi entr’ouverte sur le vide de la fenêtre pâle. Ce blanc conflit monotone, qui sans fm répète les lignes vagues, sur la vitre où il semble fuir, il flotte, mais ne recouvre point la nuptiale couche qui lui sied. Mais voici que le Rêve survient et que s’efface, par lui, la triste songerie : car dans l’âme de celui qui se dore du rêve sommeille une harmonieuse mandore éternelle : dans l’abîme de l’âme d’où naît toute musique, sommeille la mandore magique de la fantaisie. Et qu’importe désormais l’absence d’un lit, sous cette dentelle ? Volontairement le poète se conçoit enfanté du rêve, fils de cet éternel pouvoir qui gît au fond de son âme. Le contour bombé de la mandore, n’est-ce point le royal ventre, où germe, supérieure aux duperies des temporelles existences, l’intime vie de fiction : et cette dentelle qui tantôt s’effaçait, voyez comme elle est un somptueux décor au lit vraiment réel, où le poète se veut naître !


M. Mallarmé a voulu, en ces trois sonnets, glorifier encore — et c’est ainsi de variés symboles — l’impérissable Rêve, maître des choses. Mais vraiment le symbole n’y est-il pas un prétexte, et le sujet véritable n’est-il pas tout autre : devant des objets familiers, laisser monter en son âme l’émotion poétique, une émotion dominée toujours par cette altière croyance dans le rêve consolateur ? Peut-être a-t-il voulu traduire des visions par des émotions,