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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/137

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M. STÉPHANE MALLARMÉ

d’hui. J’ai eu l’honneur d’être parmi les plus ardents à les admirer, jadis, en un temps où l’on était encore à peu près unanime à les juger ridicules. Avec quelle émotion je les ai relus ! Combien de vieux souvenirs ils m’ont rappelés, et de vieux rêves ! Comme il m’a été difficile de faire librement à leur sujet mon examen de conscience, et de distinguer mon impression présente d’avec mes chères impressions d’autrefois !


C’est Fontenelle, je crois, qui disait : « J’étais très jeune encore lorsque j’ai appris la philosophie, mais déjà je commençais à n’y pas comprendre grand’chose. » Tout autre est ma situation vis-à-vis des poèmes de la seconde manière de M. Mallarmé. J’étais très jeune encore lorsque je les ai connus : mais tout de suite je les ai compris : et il n’y en a pas de si obscur que je n’eusse été en état d’expliquer mot pour mot. À travers les broussailles de leurs tropes, je me mouvais avec autant d’aisance que doivent se mouvoir les hellénistes à travers les ténèbres de Pindare.

Un jour que, me trouvant échoué sans ressources dans une petite ville d’Allemagne, je songeais à adopter un métier qui me permît de vivre, il me parut que l’expédient le plus pratique serait d’ouvrir un bureau pour l’explication complète et garantie des œuvres de M. Mallarmé. Et peut-être, la clientèle me venant, aurais-je fait fortune à ce métier : car je comprenais vraiment à vue d’œil,