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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/147

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VILLIERS DE L’ISLE-ADAM

tif besoin de domination, et le sentiment avivé de leur supériorité natale. Une caste de nobles et de princes fut lentement constituée, sous le cours des siècles. Et lorsque, plus tard, les conditions de la vie se modifièrent, lorsqu’à la vigueur physique dut s’adjoindre la prudence des conseils, les princes, affinés durant des siècles par une sélection héréditaire, s’ornèrent excellemment de vertus nouvelles. Ils étaient maintenant l’esprit de leurs peuples : ils méditaient les projets lointains : ils s’exerçaient à prévoir les événements, à connaître les hommes, laissant aux mains inférieures le soin des réalisations pratiques. Puis, par l’ambition personnelle de rois, le pouvoir politique leur fut retiré. Mais ils ne cessèrent point de rester différents ; et leur différence fut encore aggravée par le caractère nouveau, comme désintéressé, de leurs occupations. Tandis que les autres hommes s’agitaient, au-dessous d’eux, dans les pénibles affaires des négoces, des politiques, ou des guerres, les princes promenaient autour du prince souverain, en mille gracieuses complications d’étiquette, leurs subtiles élégances. Un siècle nouveau : et ils connurent le charme des conversations mondaines dans les salons, les aimables sourires parfumés des jeunes femmes, les flatteries familières et soumises des artistes. À mesure que le soin des affaires pratiques, de l’action immédiate et personnelle, croissait pour le reste des hommes, les princes, s’éloignant davantage des agitations communes, réfugiaient leurs âmes délicates en des soins plus rares. Ils conservaient toujours cependant le désir