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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/17

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L’ART WAGNÉRIEN

Dans les Écrits théoriques, le pessimisme du Maître apparaît plus encore. Schopenhauer est l’auteur toujours invoqué ; et les formules de ce penseur, ses termes incorrects, ses plus extravagantes fantaisies métaphysiques, sont admirés et cités. L’œuvre de Wagner est une scolie de Schopenhauer : toute la critique allemande est là qui nous le déclare.

Et cependant, si nous nous approchons de l’œuvre, mainte chose nous étonne en ce pessimisme. Parsifal renonce à vouloir : mais ce n’est pas au profit de l’anéantissement. Il renonce à la volonté et à la vie égoïstes pour fondre sa vie, plus joyeusement, dans la vie universelle. L’écrit philosophique Art et Religion dit le mal de l’existence individuelle, morcelant et opposant nos intérêts ; mais il exalte le retour à l’unité universelle, pleinement bonne, pleinement sainte et naturelle, — et bienheureuse. La méchante Volonté première de Schopenhauer, cette âme essentielle des réalités, devient ici le suprême bien. Mais l’écrit sur Beethoven nous surprend entre tous. Le « Mage divin » est sourd, humble, méprisé : alors il voit, sous les apparences, l’Être ; et cette vision, qui désolerait un pessimiste, lui est tellement radieuse et prestigieuse qu’elle évoque en lui, désormais, une extraordinaire joie. « L’essence des choses se révèle à lui, apparaissant dans la splendeur sereine de sa beauté [1]. » Quel est donc ce pessimisme où

  1. Tous ces passages entre guillemets sont des citations de l’écrit de Wagner sur Beethoven, que venait de publier la Revue Wagnérienne.