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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/171

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VILLIERS DE L’ISLE-ADAM

vision, les revotant d’une musique adaptée à l’émotion même qui naît d’eux[1].

Cette musique des phrases, dans les œuvres de M. de Villiers, est, par un inconscient privilège, si profondément appropriée aux convenances des sujets, que l’on pourrait établir le vocabulaire précis de ses sonorités, en regard des émotions particulières qu’elles traduisent. Je ne saurais, dans ces cursives notes, esquisser même ce précieux travail. Mais je le recommanderai aux jeunes gens qu’a saisis le désir d’être poètes : ils sentent l’imperfection des formes poétiques actuelles, et cependant ils s’agitent en des clamitations sans objet, parce qu’ils ne voient pas que le défaut de notre langue poétique, comme de notre langue musicale, est, non dans la surannéité des formules, mais dans l’imprécision des termes, tandis que s’affinent et se multiplient et se précisent nos émotions.

À exprimer des émotions par la musique des mots, M. de Villiers était évidemment prédestiné par les qualités spéciales de sa nature et de sa race. Tôt détaché de nos réalités habituelles, il s’était élevé à la philosophie, et comme il traitait les questions philosophiques pour satisfaire à sa

  1. Que l’on voie, exemples au hasard choisis entre d’innombrables merveilles, la peinture d’un incendie, dans le Désir d’être un homme, la peinture d’un festoiement impérial, dans Vox Populi, la peinture d’un bal, dans ce chef-d’œuvre l’Amour suprême ; enfin, coupée dans l’éblouissante symphonie finale d’Axel, une géographie, l’évocation de régions enchantées, décrites là par le magique artifice d’images très précises et puis de cette harmonie ambiante, qui sert à dire l’émotion spéciale des pays rêvés.