sitives, est d’une réalisation possible et facile : mais sera-t-elle réalisée ? Sur ce point encore, l’optimisme de M. Renan et son dogmatisme sont merveilleux. Il affirme que l’Idéal se fera, nécessairement, que, après des millions d’avortements, le triomphe du bien dans le monde se réalisera. Hélas ! nous n’avons point cette assurance bénie ! La réalisation de ridéal suppose l’intervention scientifique de l’homme dans les choses ; et l’homme, entraîné par une évolution funeste, se refusera longtemps encore à cette intervention. La réalisation de l’idéal suppose en outre le maintien et l’aggravation de l’inégalité : et voici que l’égalité se produit, épouvantable, par la destruction, dans la concurrence vitale, des hétérogénéités supérieures. Notre siècle pouvait faire une expérience décisive ; et il l’a, au contraire, rendue désormais impossible.
L’humanité est un insecte aveugle, enfermé dans une voûte de cristal d’un milliard de lieues, où il n’y a qu’un trou, d’un millimètre de diamètre. Éternellement, il bat de son aile les parois de la voûte, cherchant à passer par la petite ouverture, pour sortir de la mauvaise prison, et pour parvenir, délicieusement, à la lumière. Tout à l’heure il a frôlé la fente bienheureuse, et le voici qui, de nouveau, est retombé au plus loin ; et l’éternel le torture s’allonge, indéfinie.
Mais à nous, servants d’une autre métaphysique, qu’importent ces images funèbres ? Nous savons que le monde est un vain rêve ; que, seule, notre âme crée ses visions. Et, par la sainte jouissance de l’art, nous vivons librement, dans ce