Aller au contenu

Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
218
NOS MAÎTRES

malgré les conseils et les exemples de mes plus heureux contemporains. Il m’est arrivé à cet égard ce qui arrive communément aux gens dont les croyances sont méprisées. Je me suis fait un orgueil de ce qui n’était peut-être qu’un ridicule. Je me suis entêté dans ma littérature, et je suis resté un classique. » Une aventure pareille est arrivée à M. France lui-même. Il s’est entêté dans sa littérature, il est resté un classique ; et, comme il avait en outre l’àme d’un poète, la faveur lui a été donnée de revêtir d’une forme parfaitement simple et aisée un monde infini de mobiles images, de pensées ingénieuses, d’étranges émotions. Ou plutôt, si je n’avais peur qu’on prît trop au sérieux ce qui n’est pour moi qu’une impression parmi cent autres, je dirais qu’il y a, dans l’œuvre de M. France, comme les reflets superposés de trois époques de notre littérature : car, contemporain de La Fontaine par le style, il l’est, par la pensée, de Voltaire, avec des sentiments tout modernes, des sentiments qui le rapprochent à la fois de Dickens et de Baudelaire.


Ni par le style ni par la pensée, en tout cas, il n’est de notre temps. Et c’est ainsi, par exemple, que jamais il n’a pu s’habituer à notre conception actuelle du roman. On lui a reproché de ne point savoir composer ses livres ; je crois au contraire qu’il les compose à merveille, mais qu’il ne parvient pas à en faire des romans. Il ne peut enfermer sa pensée dans l’étude d’un sujet unique et