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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/232

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NOS MAÎTRES

mais l’autre part, la part du rêve et de la causerie. y demeure assez forte pour nous divertir Fesprit et pour charmer nos sens, tout au long du récit.

Je crains même qu’à force d’être variées, ingénieuses, et belles, ces digressions n’empêchent au premier abord de sentir tout l’intérêt et toute la vérité de l’aventure d’amour qui forme le sujet principal. Le poète Choulette, ivrogne, débauché, et pur, et aussi boiteux, comme le sont un grand nombre des personnages préférés de M. France ; et l’épigraphiste Schmoll, et Vivian Bell, jeune Anglaise ingénue qui s’installe à Florence pour y pouvoir mieux écrire des poèmes français ; et la vieille et touchante Mme Marmet et l’inquiétant jeune prince Albertinelli : ce sont assurément d’inoubliables figures, toutes frissonnantes de vie et d’humanité. Et ce sont d’inoubliables morceaux d’éloquence et de poésie, les discours sur Napoléon, sur l’art florentin, sur le régime militaire ; sans parler de ces légères et vives peintures de Paris ou de Florence qui, tout au travers du livre, surgissent brusquememt devant nous, et nous laissent au cœur, après elles, un inoubliable parfum. Mais au-dessus de tout cela il y a le roman, ou plutôt le drame, le triste drame des amours de la comtesse Martin et de Jacques Dechartre ; et je voudrais dire encore la forte émotion que j’y ai ressentie.

J’ai été frappé, notamment, de la portée symbolique de cette aventure d’amour. L’amour sensuel est-il le véritable amour ? C’est le seul, en tout cas, que nous ait décrit M. France ; et il nous