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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/242

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NOS MAÎTRES

de choses bonnes à voir et qu’ils n’ont pas vues : les lacs, les montagnes, les rivières, les villes et les campagnes, la mer et les bateaux, le ciel et les étoiles ! »

« Je suis bien de son avis. Nous avons une heure à vivre, pourquoi nous charger de tant de choses ? Pourquoi tant apprendre, puisque nous ne saurons jamais rien ? Nous vivons trop dans les livres et pas assez dans la nature ; et nous ressemblons à ce niais de Pline le Jeune qui étudiait un orateur grec pendant que sous ses yeux le Vésuve engloutissait cinq villes. »


Est-ce à dire que M. France soit simplement un sceptique ? On l’a dit souvent, et peut-être lui-même a-t-il fini par le croire. Mais en ce cas il se trompe, du moins à ce que je crois ; et ce sont ses romans et ses contes qui valent surtout à me le prouver. Car il n’est point possible à un sceptique de produire une œuvre qui vive, et il n’y a point d’exemple d’un vrai sceptique qui ait été un poète.

C’est que le scepticisme de M. France n’est qu’un scepticisme partiel. On peut se méfier de l’authenticité d’un tableau, et cependant admettre qu’il y ait des tableaux authentiques. Et pareillement on peut se méfier des prétentions de l’intelligence, et admettre cependant qu’il y ait au monde des choses respectables et belles. C’est ce que M. France a toujours admis, par le seul instinct de son âme de poète. La beauté et la bonté lui sont apparues