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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/25

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L’ART WAGNÉRIEN

Je tairais seulement. — mais par un calcul égoïste, et pour les déprécier, — quelques peintures spécialement divertissantes, désireux d’enrichir, au marché le meilleur possible, le petit musée où je recueille les plus drôles des drôleries contemporaines.

Je ne ferai point ici cependant cette expertise utile et sage : car peut-être se trouve-t-il, parmi ces marchandises, certaines œuvres d’artistes véritables, égarées là ; et je dois évoquer, devant elles, la théorie artistique de la peinture wagnérienne : condamné par leur présence à oublier les produits qui les avoisinent, et l’intéressante boutique où elles sont.

I

La peinture, étant une forme de l’art, doit se rattacher à la destination totale de l’art.

L’art, nous dit Wagner, doit créer la vie. Pourquoi ? Parce qu’il doit poursuivre volontairement la fonction naturelle de toute activité de l’esprit. C’est que le monde où nous vivons, et que nous dénommons réel, est une pure création de notre âme. L’esprit ne peut sortir de lui-même ; et les choses qu’il croit extérieures à lui sont uniquement ses idées. Voir, entendre, c’est créer en soi des apparences, donc créer la Vie. Mais l’habitude funeste des mêmes créations nous a fait perdre la conscience joyeuse de notre pouvoir créateur : nous avons cru réels ces rêves que nous enfantions, et ce moi personnel, limité par les