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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/255

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DE LA CRITIQUE, ET DE SON ROLE DANS LA LITTÉRATURE DE CE TEMPS[1]

(Revue bleue, 27 avril 1894)

« La critique n"a qu’un droit, disait Victor Hugo, le droit de se taire. » Cette opinion n’a jamais été celle des critiques, et il faut avouer qu’elle ne paraît plus désormais être l’opinion de personne. La vérité est même que, si les choses continuent d’aller du train dont elles vont, la critique seule bientôt aura le droit de parler. Déjà l’on n’écoute plus qu’elle. À la plus belle pièce, au plus beau roman, on préfère un beau compte rendu, pourvu toutefois qu’il soit grave, copieux, et suffisamment paré d’idées générales. La littérature devient la servante de la critique : elle lui fournit des sujets, des matériaux, des prétextes, et c’est à cela que se borne à présent son rôle, aux yeux du public. Elle prépare les plats, mais c’est la critique qui les mange. Encore la critique va-t-elle êti’e réduite, avant peu, à se servir elle-même : car le moment semble prochain où les bras vont manquer à la littérature. Sur vingt jeunes gens qui débutent

  1. À propos de la publication en volume des conférences de M. F. Brunetière sur l’Évolution de la Poésie lyrique au XIXe siècle.