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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/262

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NOS MAÎTRES

vième siècle. Parmi les opinions de M. Brunetière sur la poésie et les poètes du xixe siècle, il n’y en a guère sur lesquelles je puisse m’accorder entièrement avec lui. J’aime Alfred de Musset beaucoup plus qu’il ne l’aime, et beaucoup moins Sainte-Beuve, George Sand, ou tel poète d’aujourd’hui. Mais jamais encore un critique n’a si ouvertement, si assidûment essayé d’arracher la critique à ses occupations d’autrefois, pour la revêtir d’une dignité plus sérieuse et plus haute. Et de là vient sans doute que ce livre m’a paru le point de départ d’un genre littéraire nouveau.

D’un genre qui n’est, à proprement parler, ni la critique, ni l’histoire. On pourrait dire plutôt qu’il consiste à restituer aux œuvres littéraires toutes les pièces de leur état civil, à établir leur généalogie, à nous les faire voir dans leur vraie suite, de manière à ce que nous sachions, non seulement quand et comment elles sont nées, mais pourquoi, et pourquoi aussi elles ont été ce qu’elles sont. M. Brunetière avoue lui-même, quelque part, que les hypothèses évolutionnistes de Darwin et de son école n’ont été pour lui que des formules commodes, et que l’évolution des genres littéraires s’accomplit suivant de tout autres lois que l’évolution des espèces, telle que l’entend le transformisme. Mais à la faveur de leurs hypothèses, — quelle qu’en puisse être d’ailleurs la valeur scientifique, — Darwin et ses successeurs ont renouvelé l’histoire naturelle : ils l’ont, en quelque sorte, rendue plus vivante. Et pareillement M. Brunetière a animé, vivifié, à la faveur de sa méthode nouvelle, l’his-