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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/27

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L’ART WAGNÉRIEN

vivront seulement lorsque l’artiste, dans lame privilégiée duquel ils ont une réalité plus intense, leur insufflera cette vie supérieure, les recréera devant nous.

L’Art doit donc recréer, dans une pleine conscience, et par le moyen de signes, la vie totale de l’Univers, c’est-à-dire de l’Âme, où se joue le drame varié que nous appelons l’Univers. Mais la vie de notre àme est composée d’éléments complexes ; et les différences de leur complexité produisent des modes spéciaux de la vie, qui peuvent, par la limitation arbitraire d’un classement, être ramenés aux trois modes distincts et successifs de la Sensation, de la Notion et de l’Émotion.

Tous trois sont, en réalité, formés d’un élément simple et commun : la Sensation.

À l’origine, notre âme éprouve des sensations, phénomènes de plaisir ou de peine : et c’est les diverses couleurs, résistances, odeurs, ou sonorités, toutes choses que nous croyons des qualités externes, et qui sont uniquement des états intérieurs de l’esprit. Puis, nos sensations s’agrègent, et, par leur répétition, se limitent : des groupes s’organisent, abstraits de l’ensemble initial : des mots les fixent. Les sensations deviennent alors des notions ; l’âme pense, après avoir senti. Enfin, sous les notions, se produit encore un mode plus affiné : les sensations s’emmêlent en des touff’es très denses : et c’est dans l’âme comme l’impression d’un immense flot dont les vagues s’éperdent, confusément. Les sensations et les notions s’amincissent, se multiplient au point qu’elles deviennent imprécises, dans la