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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/270

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NOS MAÎTRES

homme. Ses romans m’ennuyaient, ses dramesme fatiguaient, je préférais à ses vers non seulement ceux de Heine et de Lenau, mais ceux du plus oublié des poètes romantiques ; et je me souviens que j’ai failli soulever un scandale en Allemagne, pour avoir appelé Gœthe un grand botaniste. Il n’y a pas jusqu’à ce dernier point sur lequel je n’aie dû changer d’avis : car on m’a affirmé que les découvertes botaniques de Gœthe n’avaient pas la moindre valeur. Mais j’ai reconnu, en revanche, combien on avait raison d’admirer ses vers, ses petits poèmes surtout, les fleurs les plus pures, les plus fraîches, les plus parfumées de la langue allemande.

Gœthe était un très grand poète, mais c’était aussi un très méchant homme ; et ce que dit de lui Mme Arvède Barine n’est point pour m’empêcher de le croire. Encore ne voudrais-je pas qu’on le prit pour un dilettante du vice et de la perversité, pour un égoïste supérieur, trop préoccupé de son art pour avoir le loisir d’être bon. Il avait plutôt, malgré ses poses, le fond d’âme d’un petit bourgeois vaniteux et lâche ; il le tenait en droite ligne de son grand-père paternel, tailleur et aubergiste, et qui fit fortune à ces deux métiers. Sa conduite avec sa mère, telle que nous la fait voir Mme Arvède Barine, suffirait à dénoter chez ce grand poète une pleutrerie instinctive et irrémédiable. Je ne connais pas de plus fâcheuse figure de parvenu, rampant devant les puissants et sans pitié pour les faibles. On se rappelle avec quel mépris il a traité le malheureux Beethoven, qui