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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/346

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NOS MAÎTRES

un des chefs-d’œuvre de notre littérature poétique. Je ne me lasse point de le relire, et à chaque lecture il me touche plus fort : tant les phrases y sont harmotiieuses, pleines, pour me charmer, de musique et d’images ; et tant la musique y est douce, légère, caressante, et les images aimablement nuancées.

Encore, en même temps qu’un grand poème. Mme Judith Gautier en a-t-elle fait une anthologie adorable, coupant sans cesse le récit de courtes strophes lyriques, qui amusent le cœur comme des sourires d’enfant. Toute la fantaisie du Capitaine Fracasse, un souci de l’expression égal à celui de Flaubert ; des plaines brûlées de soleil, des cités gigantesques dormant dans la nuit, des lacs au clair de lune, des palais plus vastes que des villes ; une troupe variée de personnages promenant dans ces décors de féerie leurs ambitions, leurs tendresses, leurs rêves ; une jeune fille qui aime et qui pleure ; un poète qui chante ; et au-dessus de tout cela mille poèmes tristes ou joyeux, qu’on dirait les voix de gentils oiseaux voletant parmi les branches d’une forêt amoureuse.

Je sais que je ferais mieux de vous énumérer simplement les qualités de ce beau livre, et de vous expliquer les raisons positives qui me le rendent si cher. Mais il m’est trop cher, et tout ce que j’en dirais ne serait qu’un vain bavardage. Car les poètes ont sur le reste des hommes, entre autres avantages, celui-ci : qu’on ne peut plus parler d’eux quand on s’est mis à les bien aimer.