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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/356

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NOS MAÎTRES

le dessin classique et l’ancien métier du vers. Et déjà le public lui-même, par degrés, se reprend à aimer les tableaux bien dessinés, les poèmes bien rimes, et les romans bien composés et la musique bien écrite. On a assez du brouillard : les yeux, si longtemps voilés, se rouvrent enfin à la pleine lumière.

C’est, du moins, ce qui me semble. Et il me semble aussi que, du même coup, l’attention se détourne du Nord, où si longtemps elle s’était attardée. La période Scandinave de la littérature française me paraît décidément approcher de sa fin. Les nouveaux génies septentrionaux qu’on nous exhibera désormais risquent fort de nous ennuyer : nous avons notre compte des surhommes et des femmes de la mer ; les fiords ne nous disent plus rien ; et il n’y a pas jusqu’à notre anglomanie qui ne commence à se refroidir.

Mais, au contraire, le Midi se rappelle à nous. Trop longtemps nous l’avons dédaigné, ignorant tout de l’Espagne, nous obstinant à nier qu’il y eût même une littérature et une musique italiennes, considérant les poètes provençaux comme d’importuns mystificateurs. Tout cela est, aujourd’hui, en train de changer. L’Espagne, à dire vrai, nous reste encore inconnue ; mais voici que Falstaff et Otello s’installent au répertoire de nos théâtres de musique, pour ne rien dire de Cavalleria Rusticana, dont l’énorme (et lamentable) succès porte précisément témoignage de ce besoin de lumière et de rythme qui reprend possession des âmes. Un roman de M. d’Annunzio trouve plus de