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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/366

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NOS MAÎTRES

élèves de son collège ; tous ses amis avaient été nommés, lui seul n’avait rien obtenu, pas même cet accessit de gymnastique qui aurait suffi à satisfaire la modeste ambition de ses parents. Ah ! si vraiment il était né bête, on avait su du moins le lui faire payer ! Le prix de physique, Edouard, l’avait appelé crétin ; Émile, le prix de version latine, lui avait mis sur la tête, par moquerie, une de ses couronnes ; et la jolie sœur d’Adolphe, le prix d’anglais, qui, l’autre dimanche, au parloir lui avait souri, cette fois s’était détournée quand il l’avait approchée. Et ce lugubre retour au village, le soir, avec ses parents indignés et vexés ! À peine rentré dans la ferme, on l’avait battu, en guise de bienvenue ; puis, on l’avait enfermé dans sa chambre, sans autre dîner qu’une tranche de pain bis, et on ne lui avait pas même permis de garder auprès de lui la chatte, sa vieille amie, qui si ingénument l’avait plaint tandis qu’on le battait.

Il était seul maintenant, accoudé à la fenêtre, dans la chambre du grenier. Comme il ne savait rien et ne pensait à rien, il en était plus à l’aise pour bien observer ce qu’il voyait de ses yeux. Et ce qu’il voyait, c’était les étoiles sur le ciel, les chères étoiles qui lui avaient tant manqué pendant cette dure année d’internat ! Mais il les retrouvait, avec leur souriante indulgence de bonnes petites sœurs ; même il en découvrit une toute neuve, rouge et brillante, une enfant née sans doute au printemps passé, et qui lui semblait danser avec des grâces légères, sur la prairie bleue.

Albert regardait les étoiles. Il leur racontait son