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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/73

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L’ART WAGNÉRIEN

de leur place dans la mélodie. La mélodie est une musique produisant l’émotion par les rapports de ses éléments ; l’harmonie véritable est la reconnaissance, en chaque élément, d’un sens émotionnel distinct. Ainsi le langage musical fut sans cesse plus complexe, sous la complexité sans cesse plus vive des émotions : et chacun de ses termes acquit une valeur émotionnelle plus précise, devint plus exclusivement le signe d’une émotion définie.

À mesure que les âmes se développent, elles requièrent davantage, entre elles et l’àme de l’artiste, l’atténuation de tout intermédiaire. Les divers signes de l’art ne sont que des signes : leur valeur propre doit être négligée, pour l’unique perception des choses qu’ils signifient. Ainsi les sons de la musique ne doivent pas nous intéresser en tant que sons, mais comme les représentants d’émotions artistiques. Mais un jour vient où, pour les âmes très délicates, les signes de l’art apparaissent trop sensibles, incapables désormais d’être négligés. La perception de l’œuvre est ainsi gênée ; un intermédiaire s’est dressé, non senti auparavant, entre ces âmes et l’âme de l’artiste créateur. Alors l’artiste doit employer des signes moins matériels, plus différents, par leur aspect sensible, des choses qu’ils signifient : l’artiste plasticien crée la peinture au lieu de la statuaire, le littérateur remplace le récit oral par le drame, et le drame par le roman. La musique, art postérieur, et plus constamment modifié dans ses langages, a subi moins vivement l’influence de cette loi. Mais déjà l’heure approche où les sons musicaux ne pourront plus produire Témotion