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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/77

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L’ART WAGNÉRIEN

La musique grecque avait été celle d’âmes nouvellement émues : elle avait été universelle. Tous avaient les mêmes émotions ; tous purent comprendre le même langage musical recréant ces émotions. Au moyen âge, la loi des différences croissantes amène déjà la formation de deux musiques entièrement distinctes : l’une populaire, donc toute de rythme et de mélodie ; l’autre savante, la musique religieuse et scolastique, destinée seulement aux âmes plus complexes.

Toute l’histoire de la musique au moyen âge est dans la marche parallèle de ces deux langages distincts.

Les savants musiciens des siècles scolastiques sentirent que les sons employés par leurs devanciers ne suffisaient plus à traduire la multiplicité naissante des émotions. Ils inventèrent des sons nouveaux. Certaines notes, par leur réunion, formèrent d’autres notes : à l’octave furent joints, chargés de significations spéciales, les accords de quarte et de quinte. Alors, par Isidore et Huncbald, fut donné à la musique l’organum, accompagnement continu de la mélodie. Ces successions de quartes et de quintes, qui aujourd’hui signifient pour nous les émotions les plus étranges, et dont les sonorités nous sont désormais les plus dures à entendre, elles étaient, pour les âmes anciennes, les signes des émotions les plus suaves et les plus naturelles. Pendant quatre siècles, nulle autre harmonie ne fut connue : Guido d’Arezzo déclarait, en 1050, que les seuls accords raisonnables étaient les accords de quarte et quinte, ajoutant que l’ac-