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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/86

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NOS MAÎTRES

transfiguration radieuse de l’angoisse [1] et la fête follement insouciante des oublis. Comme elle s’épand, dans un rythme plus rapide, à travers l’âme reposée ! C’est les tourbillonnants ébats de la danse ; des légèretés royales : et cela se mène d’une poussée de géant, et l’on aperçoit sans arrêt, sous cette frénésie, la volonté ciéatrice ; impétueusement l’artiste projette loin du monde son ivresse tumultueuse, tandis que rôde aux coins du cœur, guettant la première fente, le mal dépossédé !

Le mal a ressaisi son domaine. « Pouvoir de qui je dépends. Moi donc ! gémit le poète [2] — et la musique ne dit point son cri, mais l’émotion qu’il en a, douloureuse et désespérée — pouvoir fatal, sans doute il faut que je subisse à jamais ces tortures ! » La résignation s’efforce ; impossible bientôt ; et alors ce sont des soupirs, un effrayant sanglot : puis les deux passions s’étreignent : plainte plus impatiente et résistance plus forte. Alors l’âme éperdue se redresse [3] : « Faut-il que cela soit ainsi ? » Elle jette impérieusement à Dieu, — à elle-même, — cette décisive question. Et la réponse, d’abord un peu triste, bientôt paraît tout éclairée de quelque impérissable bonheur. « Oui, il faut que cela soit ! mais parce que toi-même le veux ; et ce mal, qui doit être, n’est un mal que si tu le veux ! » Oh ! la bonne et consolante ré-

  1. Vivace.
  2. Lento assai.
  3. En cet endroit de la partition, Beethoven a écrit lui-même : « (Grave.) Faut-il que cela soit ? — (Allegro.) Il faut que cela soit ! Il faut que cela soit ! »