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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/88

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NOS MAÎTRES

Puis vinrent, ainsi précédées, les réformes extérieures : la phrase fut allongée, les retours, les codas furent supprimés, sauf lorsque l’émotion requérait des figures telles, ou quelque structure traditionnelle du chant.

Le contrepoint avait été chez Bach un procédé constant, la forme même de la mélodie ; par Beethoven encore il fut promu à un art plus haut. Il lui servit à traduire les marches simultanées, dans Famé, d’émotions diverses. Ici encore, suppression aussitôt des ornements inutiles ; suppression lente et graduelle des formes convenues.

Les premières sonates pour le piano, les chansons, furent le chef-d’œuvre unique et final de la mélodie ; dans les dernières sonates, les derniers quatuors, le contrepoint abstrait, encore mélodique ainsi, trouve sa légitimation. J’avoue que les créations orchestrales de Beethoven m’émeuvent beaucoup moins. La plupart des symphonies me paraissent trop longues, et d’une expression trop forcée. Seule, la symphonie en fa m’est un divertissement prodigieux ; la symphonie avec chœurs elle-même me semble encore une production de forme indécise, un essai plutôt qu’une œuvre vivante. Peut-être fus-je habitué par les musiciens romantiques à des fracas plus variés, ou bien les règles trop étroites de la symphonie furent-elles — seules de toutes règles — une entrave au génie de Beethoven. Ainsi l’on pourrait expliquer, en regard, l’écrasante splendeur des ouvertures : là nulle règle, et le droit de ne point développer les émotions au-delà de leur mesure vécue.