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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/94

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NOS MAÎTRES

ce genre, comme il a sacré tous les genres. Non point par son Fidelio, recueil d’adorables chansons entre lesquelles resplendissent quelques scènes surnaturelles ; mais l’opéra véritable de Beethoven est une messe solennelle en ré majeur, composée pour les voix, l’orchestre et l’orgue. C’est un drame en cinq actes, le drame émotionnel d’une âme pieuse.

Le souvenir de soi-même, d’abord, devant Dieu ; une plainte, les émois de la honte : « Maître, ayez pitié de moi ! » Et c’est l’oubli de soi-même, l’envahissement total du cœur par l’éblouissante gloire. Une illusion, cela, peut-être ? L’âme, furieusement, s’affirme la Foi. Elle croit, elle veut croire ! Il y a là des paroles expliquant les vérités à croire ; mais la musique, qui recrée le fond de l’âme, répète toujours l’affirmation furieuse : l’âme croit, veut croire ! Puis la voici à l’ivresse des certitudes conquises ; elle est bénie, elle flotte en un doux fleuve. Belle joie, elle s’efface : « Car je suis un pécheur misérable ; Agneau divin, pardonneur de péchés, voici mon cœur ; aie pitié, Agneau divin ! »

Un opéra en cinq actes, ou plutôt — ce qui vaut mieux — en cinq paroles. Tous les moyens de la plus savante musique employés à recréer, suivant leurs nuances profondes, ces cinq émotions. Un chef-d’œuvre tel que les psychologues y pourraient chercher, ainsi que dans les derniers quatuors, l’analyse scientifique des passions.

Cette merveille aurait dû terminer toute musique : elle termina, du moins, la musique dite classique.