Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/174

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qu’un a quelque objection, qu’il parle ; sinon, allons aux voix. » Personne n’ayant d’objection, on va aux voix et l’affaire est conclue. Aussitôt on annonce à Seuthès que l’armée est à son service.

Les soldats cantonnent ensuite par divisions. Les stratèges et les lochages sont invités à dîner chez Seuthès, qui occupait un village voisin. Quand ils sont à la porte et près d’entrer pour diner, ils y trouvent un certain Héraclide de Maronée. Cet homme, abordant chacun de ceux qu’il croit avoir de quoi donner à Seuthès, commence par s’adresser à des habitants de Parium, qui venaient négocier une alliance avec Médocus, roi des Odryses, et qui apportaient des présents au roi et à sa femme. Il leur dit que Médocus est dans le haut pays, à douze journées de la mer, et que Seuthès, avec l’armée qu’il vient de recruter, va devenir maître du littoral. « Devenu votre voisin, il aura tous les moyens possibles de vous faire du bien et du mal ; si donc vous êtes sages, vous lui donnerez tout ce que vous apportez : vous vous en trouverez mieux que si vous donnez vos présents à Médocus qui habite au loin. » Ce discours les décide. Il s’approche ensuite de Timasion de Dardanie, ayant entendu dire qu’il avait des coupes et des tapis barbares. Il lui assure que c’est l’usage, quand on est invité à dîner chez Seuthès, que les conviés lui fassent un présent : « Quand il aura un grand pouvoir, ajoute-t-il, il sera en état de te faire rentrer dans ta patrie, ou de te rendre riche ici même. » Héraclide sollicitait de la même manière tous ceux qu’il abordait. Arrivé à Xénophon, il lui dit : « Tu es citoyen d’une grande ville, et ton renom est grand auprès de Seuthès ; peut-être souhaites-tu posséder dans cette contrée, comme l’ont fait beaucoup des vôtres, et des villes et des domaines. Il est donc juste que tu rendes de magnifiques hommages à Seuthès. C’est par bienveillance que je te donne ce conseil. Je suis certain que plus tu donneras, plus tu recevras de notre chef, » Cet avis met Xénophon dans l’embarras ; à son passage de Parium, il n’avait avec lui qu’un esclave et l’argent nécessaire pour la route.

On entre pour dîner. Il y avait là les principaux chefs des Thraces, les stratèges, les lochages des Grecs, les envoyés de plusieurs villes : on s’assied en cercle ; alors on apporte des trépieds pour tous, une vingtaine environ, remplis de viandes coupées en morceaux, avec de grands pains fermentés, tenant aux viandes par des broches. Les mets se placent par préférence devant les étrangers : c’est l’usage. Seuthès sert le premier, il