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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/184

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prennent la parole : « Sparte a décidé de faire la guerre à Tissapherne, qui vous a fait du tort à vous-mêmes. Si donc vous venez avec nous, vous vous vengerez d’un ennemi, et chacun de vous recevra une darique par mois, le lochage le double et le stratège le quadruple. » Les soldats les écoutent avec joie. Aussitôt un Arcadien se lève pour accuser Xénophon. Seuthès était là ; il voulait savoir ce qu’on déciderait, et il se tenait à portée d’entendre. Il avait son interprète avec lui-, et du reste il savait lui-même le grec. L’Arcadien commence ainsi : « Nous serions avec vous depuis longtemps, Lacédémoniens, si Xénophon ne nous avait pas pressés de venir ici : nous avons passé un rude hiver à faire la guerre, nuit et jour, sans profit, tandis qu’il jouit de nos peines, et que Seuthès, qui l’a enrichi en particulier, nous refuse notre solde. Pour ma part, ajoute ce premier orateur, si je le voyais lapidé et puni des maux où il nous a entraînés, je croirais avoir reçu ma paye et je ne regretterais plus mes fatigues. » Après lui se lève un autre Grec, qui parle sur le même ton, puis un troisième. Xénophon ensuite s’exprime ainsi :

« Oui, un homme doit s’attendre à tout, puisque je me vois accusé par vous de ce que je regarde, dans mon for intérieur, comme la plus grande preuve de mon zèle. J’étais déjà eu route pour ma patrie, et par Jupiter ! si je suis revenu, ce n’était pas pour partager votre prospérité, c’était parce qu’on m’avait appris votre détresse ; je voulais vous être utile, si je pouvais. J’arrive : Seuthès que voici m’envoie de nombreux messagers il me fait mille promesses pour que je vous engage à le suivre ; mais je n’essaye point de le faire, vous le savez tous. Je vous conduis au port d’où je pense passer au plus vite en Asie : c’était ce que je croyais pour vous le meilleur, le plus conforme à ce que vous souhaitiez. Aristarque arrive avec ses trirèmes et nous empêche de traverser : aussitôt je vous convoque, comme c’était mon devoir, afin que nous délibérions sur ce qu’il faut faire.

« Vous entendez Aristarque qui vous enjoint de vous rendre dans la Chersonèse ; vous entendez Seuthès qui vous engage à vous joindre à lui comme auxiliaires : vous dîtes tous qu’il faut aller avec Seuthès, vous votez tous pour ce projet. Si je vous ai fait quelque tort en vous conduisant où vous vouliez tous aller, dites-le. Depuis que Seuthès a commencé à se jouer de vous pour la solde, si je l’avais approuvé, vous seriez en droit de m’accuser et de me haïr. Mais si, après avoir été mon meil-