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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/20

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thre. L’espace entier qui est entre les deux murailles est de trois stades. Il n’est pas facile de le forcer. Le passage est étroit ; les murailles descendent jusqu’à la mer, et elles sont couronnées de rochers à pic. C’est dans chacune de ces murailles que s’ouvrent les Pyles. Pour se frayer un passage, Cyrus fait venir sa flotte, afin de débarquer des hoplites en deçà et au delà des Pyles, et de passer, en dépit des ennemis qui pouvaient garder les Pyles syriennes. Cyrus s’attendait à la résistance d’Abrocomas, qui avait un corps nombreux ; mais Abrocomas n’en fit rien. Dès qu’il sut que Cyrus était en Cilicie, il se retira de la Phénicie, et marcha vers le roi avec une armée qu’on évaluait à trente myriades.

De là Cyrus fait une marche de cinq parasanges, et l’on arrive à Myriandre, ville habitée par les Phéniciens, près de la mer : c’est un lieu de commerce et de mouillage pour un grand nombre de vaisseaux. On s’y arrête sept jours, pendant lesquels Xénias d’Arcadie et Pasion de Mégare s’embarquent avec ce qu’ils avaient de plus précieux, et se retirent piqués, suivant l’opinion la plus commune, de ce que Cyrus laissait à Cléarque ceux de leurs soldats qui s’étaient joints à lui pour retourner en Grèce et ne point marcher contre le roi. Aussitôt qu’ils eurent disparu, le bruit courut que Cyrus les faisait poursuivre par des trirèmes : quelques-uns souhaitaient qu’on les arrêtât comme traîtres ; d’autres en avaient pitié, s’ils étaient pris.

Cyrus convoque les généraux et dit : « Xénias et Pasion nous ont abandonnés : mais qu’ils sachent qu’ils ne se sont point sauvés comme des esclaves fugitifs. Je sais où ils vont, et ils ne m’ont point échappé. J’ai des trirèmes et je puis prendre leur bâtiment ; mais, j’en atteste les dieux, je ne les poursuivrai point. Il ne sera pas dit que, quand un homme est avec moi, j’en use, et que, quand il veut s’en aller, je le prends, le maltraite et pille son avoir. Qu’ils s’en aillent donc, mais qu’ils n’ignorent pas qu’ils se conduisent plus mal envers nous que nous envers eux. Il y a mieux : j’ai en mon pouvoir leurs enfants et leurs femmes qu’on garde à Tralles ; mais je ne les en priverai point ; ils les recevront comme prix des bons services qu’ils m’ont jadis rendus. » Ainsi parla Cyrus ; et les Grecs qui n’avaient pas beaucoup de cœur pour l’expédition, en apprenant la belle action de Cyrus, le suivirent avec plus de plaisir et de cœur.

Cyrus fait ensuite vingt parasanges en quatre étapes, et arrive au fleuve Chalus, large d’un plèthre et rempli de grands