Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/257

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revers. Ce plan que j’ai suivi fait que je me trouve aujourd’hui sans argent. Recourir à toi en toute occurrence, quand je te vois dépenser beaucoup, me semblerait déraisonnable. Mais je pense que nous pouvons aviser, toi et moi, aux moyens de ne pas manquer d’argent. Du moment que tu en auras en abondance, je suis sûr que je pourrai en prendre ce qu’il me faudra, surtout quand je l’emploierai de manière que la dépense te porte intérêt. Il n’y a pas longtemps, si je ne me trompe, je t’ai entendu dire que l’Arménien commençait à te mépriser, pour avoir su que les ennemis s’avancent contre nous, et que, depuis lors, il ne t’envoie plus d’armée et ne paye plus le tribut qu’il te doit. — Oui, Cyrus, c’est ce qu’il fait ; et j’en suis à me demander s’il vaut mieux marcher contre lui et le ranger par force à son devoir, ou s’il ne vaut pas mieux le laisser tranquille pour le moment, afin de ne pas ajouter ce nouvel ennemi aux autres. — Ses places, demande Cyrus, sont-elles dans des lieux fortifiés ou abordables ? — Ses places, dit Cyaxare, sont dans des lieux peu fortifiés. J’y ai toujours eu l’œil. Mais il y a des montagnes où il peut se retirer, et dans lesquelles il ne serait pas aisé de mettre la main sur lui, ni de reprendre ce qu’il aurait emporté, à moins de l’y assiéger, comme fit jadis mon père. — Eh bien, dit Cyrus, si tu veux me laisser aller par là, avec les cavaliers qui nous paraîtront nécessaires, je pense, avec l’aide des dieux, le mettre au point de t’envoyer une armée et de te payer le tribut ; mais, en outre, j’espère nous en faire un ami plus dévoué qu’il n’est en ce moment. — J’espère, dit Cyaxare, qu’ils viendront plus vite à toi qu’à nous, car on m’a dit que ses enfants ont été tes camarades de classe ; ce qui fait qu’ils viendront volontiers à toi : or, ceux-là devenus soumis, tout ira, je présume, comme nous le voulons. — Ne crois-tu pas à propos, dit Cyrus, de déguiser notre dessein ? — Sans doute, dit Cyaxare, c’est le moyen qu’ils tombent mieux entre tes mains, ou, si l’on fond sur eux, de les prendre mieux au dépourvu. — Écoute donc, dit Cyrus, si mon avis te semble utile. J’ai souvent été à la chasse avec tous mes Perses sur les frontières qui séparent ton pays de celui des Arméniens, et parfois même j’ai conduit avec moi quelques cavaliers de mes amis d’ici. — Oui, et en faisant la même chose, dit Cyaxare, tu n’éveilleras point de soupçons, tandis que, si tu mènes plus de monde que tu n’en conduis d’ordinaire à la chasse, cela pourra devenir suspect. — Il ne sera pas difficile, dit Cyrus, de trouver un prétexte vraisemblable, même ici : on n’a qu’à dire là-bas que je veux faire une grande chasse, et je n’ai qu’à te