Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/33

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s’il a quelque ordre à donner. Cyrus s’arrête, et lui commande de publier que les entrailles des victimes présagent un heureux succès. Cela dit, il entend un bruit qui court par les rangs et demande ce que c’est. Xénophon lui dit que c’est le mot d’ordre qui passe pour la seconde fois. Cyrus s’étonne qu’on l’ait donné, et demande quel est ce mot d’ordre. Xénophon répond : « Jupiter sauveur et Victoire. » Cyrus l’entendant : « Eh bien ! je l’accepte, dit-il ; que cela soit ! » Il se porte ensuite au poste qu’il a choisi. Il n’y avait plus que trois ou quatre stades entre le front des deux armées, lorsque les Grecs chantent un péan et s’ébranlent pour aller à l’ennemi.

Une partie de la phalange s’avance comme une mer houleuse ; le reste suit au pas de course pour s’aligner, et bientôt tous les Grecs, faisant retentir leur cri ordinaire : « Héléleu ! » en l’honneur d’Ényalius, arrivent en courant. On dit qu’en même temps ils frappaient leurs boucliers de leurs piques, afin d’effrayer les chevaux. Avant qu’on soit à la portée du trait, la cavalerie barbare détourne ses chevaux et s’enfuit ; les Grecs la poursuivent de toutes leurs forces, et se crient les uns aux autres de ne pas courir en désordre, mais de suivre en rang. D’autre part, les chars sont entraînés les uns au travers des ennemis, les autres à travers la ligne des Grecs : ils sont vides de conducteurs. Les Grecs, les voyant venir de loin, ouvrent leurs rangs : il n’y eut qu’un soldat qui, regardant avec étonnement, comme dans un hippodrome, se laissa heurter ; et même, dit-on, il n’en reçut aucun mal. Pas un seul autre Grec ne fut blessé dans cette bataille, si ce n’est un soldat de l’aile gauche, atteint d’une flèche, dit-on.

Cyrus, voyant les Grecs vaincre et poursuivre tout ce qui était devant eux, se sent plein de joie : déjà il est salué roi par ceux qui l’entourent ; cependant il ne s’emporte point à poursuivre ; mais il tient serrée sa troupe de six cents cavaliers et observe les mouvements du roi. Il savait qu’il était au milieu de l’armée perse. Tous les chefs des Barbares occupent ainsi le centre de leurs troupes, croyant qu’ils y sont plus en sûreté, parce qu’ils sont couverts des deux côtés, et que, s’ils ont à donner un ordre, il ne leur faut que la moitié du temps pour le transmettre à l’armée. Le roi donc, placé ainsi au centre de son armée, dépassait pourtant la gauche de Cyrus. Aussi, ne voyant d’ennemis ni en face de lui, ni devant ceux qui le couvraient, il fait un mouvement de conversion comme pour envelopper l’autre armée. Cyrus, craignant qu’il ne prenne les