Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/333

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homotimes. Dans ces occasions, les bons cœurs aiment à compatir. La douleur était donc peinte sur le visage de Cyrus : à l’heure du souper, toutes les troupes s’étant mises à leur repas, il continue, avec les servants et les médecins, de veiller à chacun des blessés, s’assurant de tout par lui-même ou bien, s’il ne pouvait de sa personne faire visite, envoyant des gens pour les soigner.

Ainsi s’écoule le temps du repos. Au point du jour, Cyrus fait appeler par un héraut les chefs des autres peuples et tous les Cadusiens, et s’exprime ainsi : « Alliés, c’est un événement tout humain qui vient de se passer : car se tromper, quand on est homme, n’a rien, je pense, d’étonnant ; mais il faut du moins que nous tirions une bonne leçon de ce qui s’est passé : apprenons que des troupes inférieures en nombre à celles de leurs ennemis ne doivent jamais se séparer du gros de l’armée. Je ne dis pas cependant qu’il ne faille, en aucune circonstance, faire une attaque nécessaire, même avec un corps moins nombreux que n’était celui des Cadusiens quand il est parti, mais quand l’attaque est concertée avec celui qui a des forces suffisantes pour l’appuyer ; si l’on se trompe, il se peut que celui qui soutenait trompe à son tour les ennemis et les détourne de la poursuite des fuyards, et qu’en suscitant d’autres affaires à l’ennemi il assure le salut de ses amis. Quand on s’éloigne de cette manière, on n’est point positivement séparé, on se relie au corps qui est en force ; mais celui qui s’éloigne sans faire connaître où il se rend, ne diffère en rien de celui qui se met seul en campagne. D’ailleurs, poursuit Cyrus, si la Divinité le veut, nous nous vengerons avant peu des ennemis. Aussitôt après que vous aurez dîné, je vous conduirai à l’endroit où le fait a eu lieu. Là, nous ensevelirons les morts et nous montrerons aux ennemis, si Dieu le veut, qu’à l’endroit où ils se croient vainqueurs, d’autres les ont vaincus, et nous, nous brûlerons leurs villages, nous ravagerons leur pays, afin qu’ils ne voient plus d’objets qui les réjouissent et qu’ils n’aient plus que le spectacle de leurs malheurs. Que les autres aillent donc prendre leur repas : quant à vous, Cadusiens, aussitôt retournés à votre quartier, choisissez vous-mêmes, selon votre usage, un chef qui veille, avec l’aide des dieux et le nôtre, à tous vos besoins ; puis, votre choix et votre dîner faits, envoyez-moi celui que vous aurez choisi. » Ainsi font-ils. Quant à Cyrus, après avoir conduit l’armée hors du camp, et assigné un poste au chef récemment élu par les Cadusiens, il lui recommande de faire suivre